Le caractère Fú 福, le bonheur, la bénédiction, est le caractère le plus utilisé en Chine. On le calligraphie à des millions d’exemplaires au moment du Nouvel An, il est affiché sur toutes les portes, des habitations comme des entreprises. À d’autres moments de l’année, on l’affiche dès que l’on veut s’attirer une bonne fortune. C’est le porte-bonheur par excellence.
L’habitude de coller des Fú 福 sur les portes a commencé quand Jiang Taigong, conseiller militaire du 12e s. av. J.-C., est devenu un dieu parmi les dieux. Sa femme, jalouse, voulait elle aussi une place dans cette divine assemblée. Alors Jiang Taigong fit d’elle une “déesse pauvre”, qui avait interdiction d’aller dans les endroits où le mot “fortune” était affiché. Les gens ont donc collé le mot Fú 福, Fortune, sur leur porte, et ont fait exploser des pétards pour éloigner cette “déesse pauvre” qui ne pouvait leur apporter que des ennuis.
Le caractère Fú 福 calligraphié dans neuf styles différents
Il existe une autre légende à propos de ce caractère, celle du Fú 福 de Kangxi (1654-1722), empereur qui régna sous la dynastie Qing. Kangxi était un excellent calligraphe, dont on ne possède que peu d’œuvres. L’une d’elles est un Fú 福 qu’il traça et offrit à sa mère, bien malade. Le talisman devait la guérir, et ô miracle, il remplit son office.
Faisons un petit saut dans le temps. Quand l’empereur Kangxi mourut, l’un de ses fils lui succéda. Quand ce fils mourut à son tour, l’un de ses fils lui succéda idem, prit le nom de Qianlong (1711-1799). Vers la fin de sa vie, Qianlong eut un conseiller favori, Heshen (1750-1799). On dit de Heshen qu’il fut l’homme politique le plus corrompu de Chine, et aussi - par voie de conséquence - l’homme le plus riche que le pays ait jamais connu. Sa fortune fut évaluée à plus de vingt années de recettes fiscales impériales. On dit que Heshen, non content de rançonner le peuple, vola également le Fú 福 de Kangxi. C’était petit.
Ce gars-là ne manquait pas de moyens, ni d’aplomb. Il se fit construire un merveilleux palais à Pékin : quarante bâtiments, des jardins, des plans d’eau magnifiques, un opéra, sur une surface totale de 60 000 mètres carrés.
Il en profita pendant quelque années, jusqu’au jour où Qianlong, son protecteur, vint à décéder. Un nouvel empereur fut appelé à régner, et ce fut son fils, Jiaqing (1760-1820). Lequel fit immédiatement arrêter Heshen, qui fut condamné à la peine de mort par écartèlement. Quelques jours plus tard la peine fut commuée en suicide, exit Heshen. Son palais passa ensuite entre les mains du prince Yonglin, puis de Yixin alias le prince Gong. Ce lieu extraordinaire existe toujours, on l’appelle le Palais du prince Gong.
Oui, bon, d’accord, mais le Fú 福, là-dedans ? J’y viens… Au cours du temps, le palais connut bien des avanies. En 1982 on entama sa rénovation, qui dura quatorze ans. C’est pendant cette période que l’on découvrit, dans l’une de ces grottes artificielles qui parsèment les jardins (la Grotte des Nuages mystérieux, tel est son nom)…
… un grand Fú 福 gravé dans la pierre, le Fú 福 de Kangxi. Ainsi, malgré la disparition de la calligraphie originale, on en retrouva la trace. N’est-ce pas merveilleux ?
La boutique de souvenirs du palais du prince Gong propose, pour une poignée de yuan, le Fú 福 de Kangxi tel un talisman que vous pouvez accrocher chez vous, au rétroviseur de votre voiture ou de votre vélo-cargo, où vous voulez. Il vous portera chance, bonheur, richesse et félicité.
En attendant de vous rendre dans ce lieu magique (dont voici l’adresse : No.14, Liuyin Street, Xicheng District, Beijing, attention c’est fermé le lundi), vous pouvez toujours vous exercer à calligraphier le Fú 福 de Kangxi. Et si vous n’y arrivez pas, consolez-vous avec l’une des cent autres manières de tracer ce caractère ô combien bénéfique :